Les élections au Japon: Sansei-tô « make Japan Great Again »
Le programme de Sanseito s'inspire de la campagne du président Donald Trump, ainsi que de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et du Parti réformiste britannique.
Bassam Tayara
Le parti « Sanseitô » guidé par Sohei Kamiya,a réalisé une percée lors des élections sénatoriales, remportant 14 sièges, bousculant ainsi les partis politiques traditionnels du Japon.
Sanseito a été fondé il y a cinq ans avec pour devise « Les Japonais d’abord ». La condamnation des « immigrés » et des « élites » par le parti, ainsi que sa rhétorique anti-mondialisation, tout cela faisant écho au mouvement populiste occidental et gagnent de plus en plus de soutien au Japon.
Le programme de Sanseito s’inspire de la campagne « Make America Great Again » (MAGA) du président américain Donald Trump, ainsi que de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) et du Parti réformiste britannique.
Il prône des « règles plus strictes » et des « restrictions » en matière d’immigration, s’oppose à la « mondialisation » et aux politiques de genre « radicales », remet en question les stratégies de vaccination et de décarbonation, mais prône une agriculture « sans pesticides ». Les partis politiques japonais prospèrent sur YouTube, et leur chef, Sohei Kamiya, 47 ans, ancien enseignant et gérant de supermarché, prône « le retour du pouvoir au peuple ». On dit que le nombre de Chinois bénéficiant d’aides sociales a doublé en cinq ans.
L’Agence France-Presse a affirmé que les questions d’immigration sont bien plus importantes que l’inflation et les questions économiques dans les préoccupations des électeurs. Bien que la population japonaise vieillisse et ait un besoin urgent d’immigrants, la proportion d’étrangers reste faible (2,8 % de la population). Pourtant, aux yeux des partis politiques, l’afflux de nouveaux immigrants est responsable de nombreux problèmes, de la criminalité à la hausse des prix de l’immobilier en passant par les comportements incivils au volant.
« Ils sont les bienvenus en tant que touristes, mais si vous accueillez toujours plus d’étrangers et les qualifiez de main-d’œuvre bon marché, les salaires japonais n’augmenteront pas », a déclaré M. Kamiya lors d’un événement de campagne. Il a toutefois ajouté qu’il n’avait « jamais appelé à l’expulsion des étrangers ».
Cependant, l’AFP a indiqué que le parti avait émergé dans un contexte de prolifération de fausses informations xénophobes en ligne. Certaines informations affirmaient à tort que les étrangers laissaient près de 3 milliards de dollars de factures médicales impayées chaque année, ou que le nombre de Chinois bénéficiant d’aides sociales avait doublé en cinq ans.
Lors d’un rassemblement électoral devant la gare de Shinagawa à Tokyo, une experte en informatique de 44 ans, titulaire d’un contrat à durée déterminée précaire, a déclaré à l’AFP : « Ils ont exprimé mes pensées, mais je n’ai pas pu les exprimer depuis des années. » Elle a déploré : « Quand les étrangers iront à l’université, le gouvernement leur versera des subventions. Mais quand nous étions étudiants, tout le monde était endetté. » Autour d’elle, des militants en t-shirts orange distribuaient des tracts sur lesquels on pouvait lire : « Arrêtez de détruire le Japon.» Ichiro Yamamoto, du groupe de réflexion Japan Institute for Law and Information Systems, a écrit sur son blog que la Russie utilisait des comptes automatisés traduits par l’intelligence artificielle pour procéder à une « manipulation d’informations à grande échelle ».
Pendant la campagne, le parti a été contraint de nier avoir accepté le soutien de Moscou. Cependant, son chef, Kamiya Munehito, s’est distingué par son ton tolérant envers Moscou. « L’invasion militaire russe (de l’Ukraine) est bien sûr une mauvaise chose, mais les forces américaines ont poussé la Russie à prendre une telle mesure », a-t-il déclaré à l’AFP, tout en niant être « pro-russe ».
Parallèlement, d’autres partis ont également soulevé la question de l’immigration pendant leurs campagnes, leur popularité ayant grimpé en flèche. Par exemple, le Parti libéral-démocrate (PLD) dirigé par le Premier ministre Ishiba a affiché son objectif de « zéro immigration illégale » et promis de renforcer le système de gestion de l’immigration et du statut de résident. Alarmées par cette situation, huit organisations non gouvernementales ont publié une déclaration commune condamnant la « montée rapide de la xénophobie ».
Elles ont dénoncé : « L’affirmation selon laquelle les étrangers auraient la “priorité” sur les Japonais est une erreur démagogique et totalement infondée. » Hidehiro Yamamoto, professeur de sociologie à l’Université de Tsukuba, estime que le PLD, au pouvoir quasiment depuis la Seconde Guerre mondiale, et son caractère « d’appel à tous » ont jusqu’à présent freiné la tentation du populisme au Japon. Le PLD s’occupe des classes moyennes inférieures des citadins, des agriculteurs et des petites et moyennes entreprises… » M. Yamamoto a déclaré : « Bien sûr, le PLD est actuellement en proie à des scandales de corruption et à une forte inflation, ce qui a exacerbé le mécontentement et renforcé l’arrogance des partis politiques. Cependant, il est impossible de conserver le soutien de l’opinion publique en s’appuyant uniquement sur une opinion publique temporaire. »