Entre Islam et islamisme

Méfions-nous des pièges de la linguistique

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Abdallah Naaman*
Dans son acception actuelle courante, le mot islamisme est un terme relativement récent du lexique français. Voltaire l’emploie pour la première fois, au XVIIIe siècle, pour désigner le mahométisme, une manière erronée et maladroite de désigner l’islam.
Deux siècles plus tard, les érudits optent pour le terme islam et le mot islamisme tombe en désuétude. Mais au cours du dernier quart du XXe siècle, à la faveur de la révolution iranienne, le phénomène des interprétations ultra-conservatrices de l’islam fait une apparition sur la scène mondiale et les éditorialistes occidentaux commencent à parler de fondamentalisme islamique. Le caractère hautement politique de cet islam militant les pousse également à parler d’un islam politique.
Dans les années 1980, les analystes anglophones adoptent le terme islamisme pour désigner cette forme d’islam militant qui est d’inspiration est française. Les universitaires français ressuscitent le terme avec sa signification d’extrémisme, le terme de fondamentalisme étant dépourvu, en français, du sens qu’il a en anglais, alors que le terme islamisme était déjà dans le dictionnaire. Le terme d’islamisme est donc un mot imposé par les Occidentaux, un phénomène qui vise à désigner uniquement des groupuscules très minoritaires du monde musulman.
La vérité est autre.
De dimension essentiellement politique, l’islamisme est considéré comme une idéologie, contrairement à l’islam qui est une religion. Il faut préciser que la religion de l’islam ne saurait en aucun cas être confondue avec les croyances des islamistes radicaux, pas plus que le christianisme ou le judaïsme ne sauraient être représentés par leurs distorsions militantes professées et exercées par une minorité de chrétiens et de juifs en Amérique, en Europe, en Israël ou ailleurs…
Quoi que nous fassions pour combattre le terrorisme radical des uns et des autres, nous devons faire preuve de considération à l’égard de l’islam, une religion pratiquée par le quart de la population mondiale. Afficher son dédain ou sa condescendance à l’égard d’une religion dans un monde globalisé n’est pas seulement insultant, c’est un manque de discernement caractérisé qui ne sert pas la vérité et qui, surtout, nourrit le récit des islamistes selon lesquels l’Occident et l’Islam seraient engagés dans une lutte à mort et nécessite un recours permanent à la violence et au terrorisme.
Pour la faire courte, combattre l’extrémisme islamiste seul, et occulter son équivalent au sein des autres religions, c’est accepter que les guerres des religions se prolongent ad vitam aeternam.
Méfions-nous des pièges de la linguistique. Dès qu’elle est instrumentalisée et politisée, elle devient hautement dangereuse et meurtrière.
Écrivain Ex diplomate libanais
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