Ghosn et …l’Armée rouge au coeur des relations nippo-libanaises

Le Liban s’attendait de la part du Japon à des pression pour renvoyer l'homme d'affaires Carlos Ghosn, ancien PDG de la société Renault-Nissan, mais Tokyo a décidé de rouvrir le dossier de l'Armée rouge japonaise.

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Okamoto reçu par les membres du FPLP

Beyrouth – Salim Alasmar

D’après des sources gouvernementales l’ambassadeur du Japon au Liban, Takeshi Okubo, à renouvelé la demande d’extradition du jadis fameux membre des Brigade de l’Armée rouge, Kozo Okamoto (73 ans), à qui Beyrouth lui a accordé le statut d’asile politique en l’an 2000.

Les relations libano-japonaises ne semblent pas bonnes. À peine un an s’est écoulé depuis l’évasion de l’homme d’affaires libano-franco-brésilien Carlos Ghosn d’une prison japonaise, une demande d’extradition a été présenté, le Pays du cèdre n’ayant pas de traité d’entre-aide judiciaire avec le Pays du Soleil levant, et n’extradant pas ses citoyens la demande reste sans suite.

Alors les Japonais se réveillent soudainement sur le cas d’un membre de l’Armée rouge japonaise, Kozo Okamoto (73 ans), à qui le Liban a offert l’asile politique, tandis que quatre de ses camarades japonais (Kazdo Tohida, Haruo Wako, Masao Adachi et Mariko Yamomoto) ont été extradés.

Lors de son jugement en Israël

Petit rappel : l’Armée rouge qui fut très active au Japon dans les années soixante-dix. En février 1971, le jeune chercheur en botanique Kozo Okamoto, accompagné de deux autres Japonais, est arrivé à Beyrouth pour chercher à rencontrer les dirigeants du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) afin de les convaincre de collaborer avec les communistes japonais, et ils voulurent combattre dans les rangs du FPLP, contre Israël et de soutenir la cause palestinienne. Ils étaient comme des dizaines de volontaires étrangers attirés par la cause palestinienne, surtout après la défaite de la Guerre de six jours de 1967, et l’occupation de la totalité de la Palestine historique.

Kozo Okamoto est né en 1947. Il parle couramment plusieurs langues, dont l’arabe. Dans sa jeunesse, il a rejoint l’Armée rouge japonaise, une organisation communiste fondée en 1971, dans le but de renverser le gouvernement japonais et la domination impériale et de faire partie d’une révolution mondiale.

Un an après avoir rejoint le FPLP dirigé par Georges Habache au Liban, Okamoto, 24 ans, faisait partie du groupe qui a mené l’opération de l’aéroport de Lod à Tel Aviv le 30 mai 1972, où accompagné de deux collègues, Yasuyuki Yasuda et Okadabra Tsuyoshi, en réponse à l’opération israélienne à l’aéroport de Beyrouth en 1968 qui a détruit la flotte de la compagnie nationale Middle East Airlines (13 avions).

Les trois Japonais sont arrivés dans un avion appartenant à la compagnie aérienne française (Air France) à l’aéroport de Lod, et en débarquant de l’avion, ils se sont dirigés vers la section des bagages, ont récupéré leurs sacs pour sortir des mitrailleuses et des grenades, et ont commencé à tirer sur les passagers résultat : 26 personnes victimes, la plupart d’entre elles des étrangers, et 71 autres personnes blessées.

Quant aux assaillants, Yasuyuki Yasuda a été tué lors de l’échange de tirs et Tsuyoshi s’est suicidé avec une grenade qu’il portait, tandis que Kozo Okamoto a été blessé et capturé, alors qu’il tentait de fuir l’aéroport. Ce dernier a été condamné à trois peines d’emprisonnement à perpétuité.

Mais dans le cadre d’échange entre le FPLP et les autorités israéliennes, en 1985 et après avoir passé 13 ans à l’isolement dans des prisons israéliennes, il fut libéré.

Après un long périple entre Damas et Tripoli, poursuivi toujours par les Japonais il s’installa dans la vallée libanaise de la Békaa à la fin des années quatre-vingt, sous la protection du FPLP.

A la fin de la Guerre civile libanaise (1975-1991) la pression du gouvernement japonais devient plus insistante, alors les autorités libanaises, ont arrêté à Beyrouth le 15 février 1997, Okamoto et quatre de ses camarades de l’Armée rouge. Ce groupe vécut pendant une dizaine d’années dans la vallée de la Békaa sur une base militaire le long de la frontière libano-syrienne. Sous la pression de groupes de militants pro-palestiniens les autorités libanaises les ont libérés après trois ans de prison, pour possession de faux passeports et expiration de visas d’entrée au Liban.

En 2000, la demande japonaise devint plus pressante, les quatre collègues d’Okamoto ont été remis aux autorités japonaises, qui les ont arrêtés et jugés pour appartenance à une organisation terroriste. Quant à Okamoto, surnommé «Ahmed le Japonais», le gouvernement libanais n’a pas cédé : sous la pression de l’opinion publique libanaise, et compte tenu de son histoire liée à la résistance à l’occupation israélienne, il lui accorda l’asile politique avec interdiction de pratiquer toute activité politique ou d’apparaître dans les médias.

Okamoto a soixante-treize ans, mais le gouvernement japonais a de nouveau, ces derniers jours, soumis une demande officielle aux autorités libanaises pour son extradition, malgré l’absence d’accord d’échange entre les deux pays.

Cette demande renouvelée d’extradition d’Okamoto pourrait provoquer des tensions dans les relations nippo-libanaises, qui se sont dégradées  il y a un an avec l’affaire de Carlos Ghosn.

Il semblerait que Tokyo menace de ne pas soutenir le Liban dans ses négociations avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour l’octroi de prêts pour relever son économie chancelante. Le Liban a besoin d’une aide urgente et des programmes économiques et financiers sont à mettre sur pied de façon imminente.

Le ministre d’État japonais aux Affaires étrangères, Kiyoshki Suzuki, s’était rendu au Liban le 20 décembre 2019, et ses entretiens ont porté sur la possibilité de signer un accord entre le Liban et l’Agence japonaise de développement pour augmenter et diversifier l’aide.

Mais c’était avant l’affaire Ghosn et avant que le gouvernement japonais ne change en septembre 2020.

 

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