Saad Hariri sous le parapluie de Macron

Liban: Quelques indices méritent d'être scrutés et analysés dans l'initiative française

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Hussein Ayoub*:

Malgré le mouvement qui prévaut pour la composition d’un nouveau gouvernement libanais,  dans le sillage de l’initiative française portée par Emmanuel Macron, quelques indices méritent d’être scrutés et analysés: ce sont les relations de l’ex-Premier ministre Saad Hariri avec l’Arabie saoudite.Cette relation explique ce qui a précédé la désignation du nouveau Premier ministre, et devrait certainement influence la suite.

En 2000, le feu milliardaire Rafik Hariri n’a pas voulu conserver la direction de son conglomérat géant et il a décidé de répartir la tâche entre ses deux fils, Baha’a et Saad. Il leur a proposé de choisir entre l’empire BTP franco-saoudien Oger et les autres sociétés de son Hariri au Liban et dans le monde. Et comme il ,se doit la primauté du choix fut donnée à Baha’a l’aîné. Ce dernier a demandé un temps de réflexion avant de donner sa réponse finale.

Hariri devait présenter ses deux héritiers à la cour royale au feu roi Fahd bin Abdul-Aziz son protecteur, qui lui a fixé une date d’audition. Le père est entré dans le bureau du chef de la cour royale comme d’habitude, tandis que ses deux fils attendaient dans l’un des salons du palais royal de Riyad.

La rencontre du père avec le roi traîna environ deux heures de retard. Baha’a se plaint de ce retard et quitta les lieux, par contre Saad est resté « inébranlable ».

Lorsque Rafik Hariri était sur le point d’entrer dans la salle où siégeait le roi Fahd, mais il a été choqué du geste de Baha’a. Alors il présenta son fils Saad au roi saoudien en lui disant « O longue vie voilà votre fils (Saad), il assumera désormais la responsabilité de Oger ».

Le signal d’insouciance qu’a montré Baha’a fut très embarrassant pour le père et suffisant pour qu’il prenne une décision rapide à ce moment-là, d’autant plus que ses deux fils avaient fait leur formation à Saudi Oger, depuis que leur père pris le poste de Premier ministre pour la première fois en 1992. Hariri père recevait des rapports sur leur capacité et le progrès de leur apprentissage pratique.

En effet, Saad fut dévoué au géant saoudien Oger depuis cette époque aux alentours des années 2000. Dans le même temps, la maladie du roi Fahd a conduit prince héritier (futur roi Abdallah) au-devant de la scène.

Le père demanda à Saad de consacrer son attention et une grande partie de son temps à celui qui détenait les vraies rênes du pouvoir le prince Abdul Aziz bin Fahd (connu sous le sobriquet Azouz), c’est le fils du roi Fahd.

Ainsi, la relation des deux jeunes hommes (Saad et le prince) s’est renforcée en raison de leur âge (Saad a trois ans de plus), malgré cela il fallait parfois que Saad attende et poursuive le prince des jours et parfois des semaines pour avoir la signature de son « ami » de retour d’une partie de chasse dans le désert ou d’un voyage de loisirs sur un yacht en Sardaigne!

Le père Hariri appréciait chez Saad sa persévérance et disait qu’il était « dur de cuir…comme un chameau). Saad devait traiter avec des princes versatiles et une cour royale rongée par la corruption et le favoritisme.

Le roi Abdullah n’a pas hésité à prendre une décision: Saad sera l’héritier de Rafik Hariri. La nouvelle est venue comme un coup de tonner sur Baha’a.

Le reste des frères «des deux ventres» (Nazik Hariri et Nidale Boustani) n’ont pas été surpris par la décision saoudienne.

Depuis cette date, le frère aîné en veut à Saad et à l’Arabie saoudite

À la mort de Rafik Hariri, Le prince héritier Abdullah était le roi de facto, depuis que son frère Fahd a été victime d’un accident vasculaire cérébral en 1995. Il gérait l’administration quotidienne du Royaume, et sa relation avec Hariri, le père, s’est renforcée par la suite.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed ben Salman (MBS), une nouvelle relation a émergé entre l’Arabie saoudite et Saad Hariri.

Lors de sa campagne anti-corruption dans le royaume, MBS a balayé toute «l’équipe saoudienne» sur lesquelles Saad avait misé durant une décennie et demie.

Par conséquent, il n’était pas surprenant que MBS ait tenté d’utiliser Baha’a en 2017, et cela malgré le manque de respect que lui montre la plupart des princes saoudiens.

Il en a clairement été de même ces derniers mois depuis le début de la révolte libanaise contre le pouvoir à Beyrouth. Baha’a a frappa à la porte à plusieurs reprises, et malgré de nombreuses spéculations et analyses la porte saoudienne ne lui est pas encore  ouverte.

La campagne de MBS renversa les enfants d’Abdullah, ainsi que Muhammad bin Nayef et Khaled al-Tuwaijri, qui faisait partie d’un «groupe proactif» à la cour royale, qui avait obtenu de Rafik Hariri et après lui de son fils Saad, beaucoup faveurs de l’argent, des biens immobiliers et de services. Tout cela grâce à la «signature en diamant», qui est le passage obligé pour toute transactions et offres et appels pour Saudi Oger.

A titre d’ exemple, et afin de persuader le prince héritier d’être son hôte au palais de Quraitem, au lieu de descendre dans un des hôtels de la capitale, à l’occasion du sommet arabe de Beyrouth (2002), Saad Hariri a dû offrir au directeur de cabinet du prince un luxueux appartement avec vue sur la mer de Beyrouth.

Lorsque les Saoudiens ont attiré à Riyad en novembre 2017, Saad Hariri Premier ministre à l’époque,  les raisons n’étaient nullement politiques, malgré leurs reproches au chef du gouvernement libanais son rapprochement avec le Hezbollah accusé de soutenir les Houthistes au Yémen, contre la coalition dirigée par le Royaume wahhabite.

Les reproches étaient financiers: MBS voulait récupérer 100 milliards de dollars des cassettes des princes et citoyens saoudiens, y compris Saad Hariri détenant la nationalité saoudienne. De plus Saad devait au gouvernement des cotisations supérieures à 8 milliards de dollars. On voulait décortiquer également les secrets du système que Khaled al-Tuwaijri avait élaboré.

Dans ce contexte, le prince héritier émirati Mohammed ben Zayed (MBZ) joua un rôle déterminant, vu l’animosité qu’il porte à l’égard de Saad en plus d’un litige de 300 millions de dollars avec sa holding. Son influence sur MBS a conduit à l’élimination de «la dernière chance de Hariri». Toutes les tentatives de rapprochement, de séduction n’ont abouti qu’à de la haine qui s’accumulait et à un manque de confiance qui grandissait et tout cela se traduit par la décision d’arrêter Hariri.

S’ajouta les circonstances de la libération du Premier ministre du Liban, avec une intervention internationale, notamment française, ce qui a aggravé la crise entre MBS et Saad.

Les Français ont arrangé une visite de Saad Hariri au Royaume wahhabite (28 février 2018), qui n’a pas aidé à réparer la cassure. Et les pêcheurs en eaux troubles ont les rapporteurs bénévoles, ont contribué à creuser le fossé.

Il va de soi que l’Arabie saoudite a déjà tourné la page Saad Hariri. ET cela est évident que ce soit dans les déclarations de leur ambassadeur à Beyrouth ou bien les membres de la cour royale visiteurs de la capitale libanaises. Même MBZ le prince héritier de l’EAU le confirme à toute personne qui veut bien l’écouter.

Pour quitter son alliance avec le courant du Président libanais Michel Aoun et le Hezbollah et démissionner fin octobre 2019, Hariri pensait se concilier les Saoudiens. Mais les portes sont restées fermées. « On lui a donné deux chances il n’a saisi aucune » disent les responsables à Ryad la capitale saoudienne, et de détailler: « 1- nous voulions qu’il prenne une position forte à l’encontre du Hezbollah, accusé de complicité dans l’assassinat de son père, et cela aussitôt le jugement du Tribunal international fut annoncé. 2- nous voulions qu’il soutienne la candidature de Nawaf Salam au poste de Premier ministre », il ne fit rien. Pour les Saoudiens Saad Hariri ne tient pas parole.

Il est évident que les Saoudiens n’en veulent plus de Saad dans leur stratégie au Liban. Ils ont à son encontre un regard hostile, et le traite comme un Saoudien en fuite.

Hariri a commencé à agir comme si cet incubateur régional (le Royaume wahhabite) n’existait pas. L’homme s’est déplacé psychologiquement, politiquement et pratiquement sous la « coupe française». Il a décidé d’agir au niveau des relations internationales ouvertes de l’Est à l’Ouest, de Téhéran, à Washington.

Il semble décidé de s’ouvrir sur tous les partis libanais, à l’exception des Forces libanaises et de quelques nouvelles boutiques politiques et médiatiques.

Hariri joue gros en mettant tous ses œufs dans le « panier de l’initiative française » si elle aboutit il aurait gagné sinon il perdrait tout. La diplomatie égyptienne a également décidé de s’ouvrir à lui et de rester proche de lui.

Est-ce que cela signifie-t-il que la légitimité sunnite ne sera plus liée au Royaume d’Arabie saoudite?

La présence saoudienne au Liban reste timide. Son pouvoir pour en finir avec de Saad Hariri en tant que pôle politique, avec ses outils actuels (politiques) est presque inexistant. Si Mohammed ben Salman décide d’inonder la rue sunnite avec des leviers sociaux (finances et services), il peut porter un coup dur à Hariri, Mais tant que la bataille est politique, l’opinion publique libanaise sunnite malgré sa colère et sa frustration à l’égard de Saad Hariri, lui reste fidèle du Sud au Nord en passant par la Bekaa et la capitale.

Une conclusion s’impose: Saad Hariri survit toujours grâce au capital sympathie qu’avait son feu père martyr. Et Cela représente un atout populaire important car il est tentaculaire, au pays et à l’étranger, mais ce mandat basé sur la sympathie peut-il durer indéfiniment.

Article publie en langue arabe dans 180post

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