Liban: Macron trahi et Adib renonce

La discussion entre Adib et le "duo" chiite tourne dans un cercle vicieux

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Hussein Ayoub :

26 jours après avoir été officiellement désigné par une majorité des députés libanais, Mustafa Adib a renoncé à former le gouvernement libanais, voulu dans le cadre de l’initiative française de «sauvetage» lancée par le président Emmanuel Macron.
Tout le monde politique libanais de tout bord, ne veut pas décevoir Paris, c’est pour cela qu’une phrase fut reprise par tous Mustafa Adib en premier, mais également le président de la République, Michel Aoun, Saad Hariri l’ex-Premier ministre que beaucoup soufflent qu’il a été derrière la désignation de de Adib. Le « club des ex-Premiers ministres », le président du Parlement Nabih Berri ne se sont pas privés de répéter cette phrase: «s’en tenir à l’initiative française».
Et Paris l’a confirmé: l’initiative se poursuit. Un point à la ligne.

Donc la France n’est pas sur le point de se retirer et cela pour des raisons multiples de politique intérieure françaises, mais également régionales et internationales.

Une question s’impose : quelle garantie pour qu’aucun autre candidat n’échoue? L’initiative française devrait -elle être reconsidérée ? Et qui peut être le nouveau candidat à ce poste de Premier ministre?
Il faut dire que l’initiative française était détaillée dans son volet de réforme économique, mais pas dans sa dimension politique. L’approche politique était vague, et ne comportait aucun mécanisme spécifique pour former un gouvernement, ce qui a conduit à des tas de complications typiquement libanaises, s’est ajouté à tout cela des facteurs externes, à savoir les sanction s décidées pas Washington à l’encontre de deux ministres très proches du pouvoir en place.

Macron avait préconisé au départ un « gouvernement d’unité nationale » puis il s’est rabattu sur un « gouvernement d’experts ». Le Hezbollah visé par les sanctions américaines l’a suivi en cela, malgré sa conviction que ce «changement» faisait suite aux contacts de Macron avec les Américains et les Saoudiens qui ne veulent pas entendre parler d’une participation du Hezbollah au gouvernement.
Paris a décidé alors de confier la nomination du Premier ministre (qui doit être sunnite) à Saad Hariri (le sunnite), et le Hezbollah ainsi que son allié le mouvement Amal (tous deux représentant largement la communauté chiite) ont accepté cette opération de « sous-traitance » à Hariri. Ce dernier leur a demandé de choisir un nom d’un chiite pour le ministère des finances (attribution qui était à l’origine du blocage – lire) alors ils ont accepté celui qui avait sa préférence à savoir Mustafa Adib.
Hariri a déclaré au « duo chiite » que le gouvernement qu’Adib formera sera non partisan et apolitique. Le « duo » était d’accord avec lui.

Mais lorsque Mustafa Adib a été désigné, le «duo» s’est retrouvé face à une nouvelle équation : Le Premier ministre n’avait cessé de répéter à chaque rencontre avec le représentant des chiites « qu’il doit passer en revue la nouvelle donne avec les Français et le « Club » (des anciens Premier ministres).
Lors de sa première et dernière rencontre avec Hussein al-Khalil, l’assistant politique du secrétaire général du Hezbollah, et Ali Hassan Khalil, l’assistant politique du président du Parlement (mis sur la liste américaine des sanctions), Adib est resté dans le même cercle vicieux : ne pas accepter que le « duo » ou tout autre parti ne nome ses ministres (comme il était coutume de le faire).
Paris a accepté les arguments de Berri et du Hezbollah alors Hariri a fait la fameuse déclaration acceptant que le « ministère des Finances reste entre les mains d’un ministre chiite » comparant son geste à « avaler un poison ».
Les chiites ayant droit à trois ministre (partage de pouvoir entre les confessions oblige), c’est alors que Adib voulait proposer une liste de « noms chiite ». Mais les chiites ne l’entendaient pas de cette oreille : C’est nous qui nommerons les trois ministres chiites, choisis dans une liste déjà envoyée à Paris. Il n’accepterons que de donner au Premier ministre « un droit de veto » sur les noms qu’ils proposeront.
Déterminez les maroquins pour nous (les chiites) lui disent-ils, puis nous continuerons à fournir des noms avec les mêmes spécifications, c’est-à-dire des non-partisans et des non-politiques, jusqu’à ce que les noms proposés soient acceptés.

Adib a répondu: Mes accords avec les Français et le « Club » sont de ne consulter aucun parti, car si j’applique cette règle avec vous, je serai obligé de consulter le reste des blocs et partis.
Les représentant du « duo » l’encouragèrent à consulter autre les blocs, en lui demandant si l’initiative interdisait la consultation des députés et des forces politiques?
Adib répondit « non »
L’initiative française comprenait-elle une référence claire à la rotation des postes entre les différentes communautés ? La réponse fut également « non ».

A ce stade le représentant du Hezbollah Hussein al-Khalil, lui dit en référence au gouvernement démissionnaire de Hassan Diab : « Permettez-moi d’être clair avec vous une dernière fois, nous avions imposé en tant que majorité le gouvernement de Hassan Diab. Nous lui avons désigné les noms des ministres de son gouvernement. Diab était le chef du gouvernement de la majorité politique et d’une seule couleur politique.
Cette fois, nous avons accepté de faciliter la mission de sauvetage des Français, malgré que nous sommes toujours la majorité, en acceptant que Saad Hariri (et non le club des chefs du gouvernement) nommerait le Premier ministre.
Nous aurions pu appeler un Premier ministre. Par conséquent, on peut considérer que vous êtes le Premier ministre qui a annulé les résultats des dernières élections parlementaires, mais nous avons accepté cela pour sortir de l’impasse. Mais nous n’accepterons pas que le « club » nome le premier ministre et choisit les ministres, c’est quelque chose que nous ne pouvons jamais accepter.

Hussein Al-Khalil s’est rendu compte et a demandé: « Quelle est l’autorité politique qui prendra les décisions d’ici à la fin de la tâche du gouvernement de mission? ». Et puis « Supposons que le dossier de la démarcation maritime (avec Israël) soit inscrit à l’ordre du jour du gouvernement, après un accord avec les Américains qui prendra la décision de délimiter?
Et d’ajouter « Supposons que les Américains fassent pression sur les Français, qui nous ont jusqu’ici soutenu sur la question de la FINUL, qui prendra la décision sur toute modification des règles d’engagement dans le sud du fleuve Litani?

A toutes ces questions Mustafa Adib répondit: « Le gouvernement c’est sûr ».
Hussein al-Khalil lui dit alors: « Donc, d’après vos réponses, ce gouvernement peut prendre des décisions politiques de base, alors comment voulez-vous m’empêcher de nommer un ministre et de vous donner un chèque en blanc? ». Et d’enchaîner ce gouvernement, tel qu’il est sur la table, sera un conseil d’administration, et le président du conseil d’administration sera obligé de prendre des ordres.

Le « duo » déclara que le Hezbollah et le mouvement Amal sont déterminés à faciliter l’initiative française et à ce que le gouvernement soit formé le plus rapidement possible, mais qu’ils ont le droit d’être partenaires, à moins que quelqu’un ne veuille qu’ils soient complètement en dehors de la formation.

À ce stade, la rencontre entre Adib et les représentants du « duo chiite »s’est terminée.
Lors de son appel téléphonique avec les Français, la réponse de l’Élysée à Mustafa Adib était claire: présentez votre lettre officielle de renoncement.

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